ASTOUNDING: the biography of a dream

Astounding

Alec Nevala-Lee, science fiction writer and critic, is the author of the very interesting study in contextual history and group biography: ASTOUNDING John W. Campbell, Isaac Asimov, Robert A. Heinlein, L. Ron Hubbard and the Golden Age of Science Fiction.

The book ASTOUNDING is much more than a historical account of the lives of the major figures that presided over the Golden Age of Science Fiction. It allows us to perceive more clearly and to participate in the “dream” of science fiction, and to share the point of view of its originators and shapers.

There is a craziness about these people, an inspired madness of speculation and  of creativity, combined with a paranoid taste for plots and conspiracies, cover-ups and propaganda, secrets and espionage.

They had a sense of using science fiction not just as escapism, but also as education and therapy to produce a new type of citizen, of making both public and covert contributions to a battle for a new civilisation.They were not content to simply dream, they wanted to embody and to implement the dream.

Alec Nevala-Lee shows us also the shadow side of these figures and as well as the shadow of the dream: the ambitions, the manipulations, the militarism, the sexism, the delusions of a new “science” of the mind (psionics, dianetics). We can see how the educational and therapeutic project was inseparable from its pathologies.

This book permits us to ask ourselves: what is the nature of the dream they were caught up in? and what has this dream become for us today? The book is both a pleasure to read and a moving experience.

In short, ASTOUNDING is not just an exercise in scholarship or nostalgia (although it does that quite well). It speaks to us now as participating in the science fiction sensibility and in the dream. It addresses us in our present existence, inciting us to dream the dream on.

LES MEURTRES DE MOLLY SOUTHBOURNE: briser le cercle sacrificiel

“Les Meurtres de Molly Southbourne” écrit par Tade Thompson est une nouvelle publiée dans la collection Une Heure Lumière aux éditions Le Bélial. molly

La nouvelle conjugue un récit palpitant et une thématique riche et profonde. On peut la lire d’un trait, en moins de deux heures, et il est difficile de fractionner sa lecture, tant on est happé par l’intrigue.

C’est une nouvelle dont la narration à la fois concise et efficace évoque l’horreur d’une vie où la survie dépend de l’élimination violente des doubles qui prolifèrent à chaque fois que la protagoniste (faute de pouvoir l’appeler l’héroïne), Molly Southbourne, saigne. Ces doubles (écrit “mollys”, sans majuscule) sont des prétendants à l’identité authentique que seul la Molly original incarne. Elle doit les tuer toutes ou être tuée par l’une d’entre elles.

Le titre “Les Meurtres de Molly Southbourne” a donc un double sens, selon les deux lectures possible du possessif “de”: ce sont des meurtres accomplis par la principale, Molly Southbourne. Et celle qu’elle assassine à chaque fois est son double, partageant son ADN et ses souvenirs.

Pendant les trois quarts de la nouvelle on dirait un récit d’horreur corporelle, mais aussi un conte épistémologique et métaphysique (qui est la “vraie” Molly?). Malgré le gore, on n’est jamais oppressé par la violence et les tueries. Celles-ci sont déroutantes au début, mais elles deviennent banalisées ensuite. Avec la répétition, une note d’humour émerge. C’est aussi un livre drôle.

Ce n’est que vers la fin du livre qu’on trouve une ébauche d’explication scientifique, très incomplète, qui justifie son inclusion non seulement dans le genre de l’horreur, mais aussi dans celle de la SF.

On peut aussi la classer dans le genre de la méta-fiction si on rapproche les doubles aux ébauches successives qu’un écrivain doit éliminer afin de faire vivre le produit final. De ce point de vue, la nouvelle elle-même est un hybride, peut-être monstrueux, produit par l’expérimentation de l’auteur, qui joue à Victor Frankenstein.

“Les Meurtres de Molly Southbourne” semble afficher sa morale dès le début, dans une citation mise en exergue:

« À chaque échec, à chaque insulte, à chaque blessure de la psyché, nous sommes recréés. Ce nouveau soi, nous devons le combattre chaque jour ou affronter l’extinction de l’esprit. » Theophilus Roshodan Écrits sur l’histoire naturelle de l’esprit, 1789

Cette épigraphe est répétée à l’intérieur de la nouvelle, citée par Molly à la fin du livre, où elle déclare:

“Je pense être l’incarnation de ce sentiment”

Et pourtant, l’auteur de cette citation, Theophilus Roshodan, est un personnage inventé, un des doubles de Tade Thompson, qu’il doit éliminer constamment et qui revient sans cesse. Dans un interview très intéressant qui figure en annexe au livre, Thompson nous dit:

“Theophilus Roshodan n’existe pas, et n’a jamais existé dans la réalité consensuelle. Il s’agit d’un personnage mineur récurrent dans certains de mes textes inédits. C’est souvent un auteur agaçant, je-sais-tout, dont je me sers comme prête-nom et qui, en tant que tel, ne survit jamais au premier jet”.

Le livre pose la question: doit-on tuer notre passé pour pouvoir progresser dans notre vie ou vaut-il mieux embrasser le passé pour mieux vivre notre présent?

Une deuxième question soulevée par la nouvelle serait: comment pouvons-nous gérer notre multiplicité interne, le fait que nous sommes tous composés d’une pluralité de personnalités fragmentaires et de vies virtuelles? Nous sommes hantés par ces spectres, mais à quel degré, et de quelle manière, est-ce faisable, ou désirable, de les incarner?

L’auteur affecte de souscrire au credo barthésien de la mort de l’auteur, allant jusqu’à déclarer “tuer l’auteur” (encore une tuerie!), tout comme Thompson lui-même “tue” son pseudo-auteur Roshodan. Néanmoins, on peut supposer que pendant le processus de création de la nouvelle il a fait usage d’inspirations tirées de sa propre vie.

Dans l’interview final Tade Thompson détaille certaines des obsessions et des hantises qu’il a incorporées dans  Peut-être en tant qu’écrivain hanté par sa multiplicité interne il a trouvé une façon de donner vie à ses spectres.

Pour aller plus loin:

Les meurtres de Molly Southbourne – Tade Thompson

Les Meurtres de Molly Southbourne – Tade Thompson

Les Meurtres de Molly Southbourne – Tade Thompson