Dans cette vidéo je présente ROSSIGNOL, à travers un commentaire de ses trois premiers paragraphes.
ROSSIGNOL est une nouvelle de science fiction écrite par Audrey Pleynet et publiée dans la collection Une Heure Lumière aux éditions Le Bélial’. Elle défie toute classification facile, mais on pourrait l’associer au Hopepunk.
Je parle de ses thèmes principaux du livre: la solitude, l’altérité, l’enfance, le pluralisme, et le temps.
“Un poète est un rossignol qui, assis dans l’obscurité, chante pour égayer de doux sons sa propre solitude.” (Percy Bysshe Shelley, Défense de la poésie)
CONCEPT: une station pluraliste
Ce qui saute aux yeux comme concept spéculatif structurant de Rossignol c’est la station, vaste structure au milieu de nulle part dans l’espace où habite une diversité maximale d’êtres intelligents aux génotypes disparates et hybridés. Ce qui permet de vivre ensemble, du moins au niveau physique et physiologique, sont les sacrosaints “Paramètres”, l’algorithme infaillible appliqué par “l’intelligence centrale” qui ajuste en permanence les conditions vitales (atmosphère, gravitation, lumière, chaleur, etc.) de chaque lieu pour permettre la survie et la coexistence aussi confortable que possible de tous les phénotypes présents.
Ceci dit, la dimension purement technique du concept spéculatif ne suffit pas de lui insuffler une vie, il faut le rendre désirable. La technique sans désir nous donne des mécanismes, mais une presqu’utopie comme la station, pour fonctionner dans son monde fictif et aussi fonctionner pour nous, doit être une “machine désirante” (au sens que Deleuze et Guattari donnent à ce concept):
“Mais Lou’Ny’Ha sait, comme moi, que si les Paramètres ont rendu possible l’existence d’un tel lieu, l’impulsion première provient d’un sentiment infiniment plus complexe et irrationnel : le désir de vivre ici, ensemble. Un désir si puissant qu’il justifie à lui seul une telle consommation d’énergie”.
HISTORIQUE: une accrétion progressive et contingente
Au commencement, c’était le règne de la pureté des espèces intelligentes qui s’ignoraient dans la vastitude de l’espace, ensuite vient la Rencontre, l’hostilité, la guerre, l’hybridation génétique pour produire des soldats augmentés, qui deviennent fatigués de la guerre et qui découvrent une solidarité trans-spécifique, la création d’un habitat inter-(et multi-)spécifique par accrétion et bricolage dont les citoyens sont les “stationniens”.
On sent très vite que les choses ne vont pas rester en état, statiques, stationnaires. Il existe deux lignes de force en lutte sur la station, les puristes et les fusionnistes. La station elle-même est un processus continu d’hybridation et de mutation. La narratrice-protagoniste nous parle dès le début de sa solitude pénible, et on la voit dans les flashbacks qui commencent au premier chapitre enfermée seule dans un réduit exigu, froid, noir, et silencieux.
INCIPIT: la lumineuse
Tout commence par la Rencontre, cependant le récit ne débute pas là, ni avec la guerre, l’hybridation, la paix, l’édification de la station, mais avec l’enfance de la protagoniste, F. Sauf que le premier paragraphe est une réflexion tardive sur la solitude. “On” a dit à la jeune fille F. qu’elle ne devrait pas rester seule, car elle ne “brille” qu’avec les autres. F. n’y croit pas trop, car elle constate que ces conseils, et sans doute maintes autres, émanent d’êtres qui ne “brillent” pas eux-mêmes. En fait, deux pages plus loin dans ce premier chapitre, nous apprenons que F. est capable de perception poétique même seule et dans le noir, et on peut supposer que c’est l’engagement imaginatif avec le monde qui fait briller.
On connait bien ces êtres lumineux qui brillent et qui illuminent le monde, qui nous rendent beaucoup plus qu’ils ne nous prennent, ainsi mettant en suspension, pour un temps, les équations froides de l’entropie. Les méchants de ce monde veulent repérer ces êtres pour en profiter, et ensuite les éteindre. De Danny dans THE SHINING (L’enfant Lumière, Stephen King) à Kirby dans THE SHINING GIRLS (Les Lumineuses, Lauren Beukes) cette luminosité, qui est aussi celle de l’enfance, est toujours menacée.
THÈME: l’enfance
Malgré la présence imposante de la station pluraliste comme personnage conceptuel, on peut soutenir que le thème principal de la nouvelle, c’est l’enfance. Les thèmes de la diversité, la rencontre, l’attraction et la répulsion vis-à-vis de l’altérité, le commun, la mémoire sont importants mais ils viennent après le thème de l’enfance et sa transmission. On peut voir l’importance de ce thème par rapport au titre, Rossignol, à la comptine que ce titre évoque (À la claire fontaine), à la temporalité hybride du passé et du futur qui structure le récit et qui est contenu dans le refrain (“Il y a longtemps que je t’aime Jamais je ne t’oublierai”), à l’affect mêlé de joie et de tristesse qui traverse la nouvelle et qui est éternisé dans la comptine.
La nouvelle est assez “platonicienne” sur ce point. Ce n’est pas l’enfance réelle qui importe (la narratrice -protagoniste apprend à plusieurs reprises que ses souvenirs d’enfance sont inexacts ou incomplets) mais plutôt la forme-enfance, qu’on porte toujours avec nous, qui nous ouvre aux rencontres avec l’autre, qui ne nous enferme pas dans le passé
HÉTÉROTOPIE
Par rapport à la question est-ce que la station est une utopie?” On peut hésiter à trancher. La station est sans doute une utopie aux yeux de l’enfant F, mais en grandissant elle découvre la part d’ombre de ce lieu hétérogène. C’est tout autant une dystopie pour les Puristes anti-hybride. Le terme “hétérotopie” pourrait convenir mieux.
“L’hétérotopie” est un concept développé par Michel Foucault pour désigner un espace clos en état de suspension des lois ordinaires:
“L’hétérotopie, comme lieu de l’altérité, est donc d’abord un espace qui fait exception aux conditions ordinaires de la vie, et Foucault le décrit positivement comme un espace d’exception parce que c’est précisément celui au sein duquel il est possible de faire corps avec l’environnement”
La station de Rossignol répond à une question contemporaine: comment faire vivre ensemble des individus qui sont incommensurables dans leurs conditions de vie et leur façons de vivre? La réponse apportée est nécessairement pas universelle, mais locale, limitée dans la durée – fragile et précieuse, comme un enfant.
La station est une polis, comme les cités-État qui florissaient en Grèce antique. Le psychologue post-jungien James Hillman, qui s’est intéressé à la psychologie de la ville, nous donne des indications utiles pour comprendre “l’esprit” d’une telle polis:
“La façon dont nous imaginons nos villes, dont nous concevons leurs objectifs et leurs valeurs, et dont nous intensifions leur beauté, définit le soi de chaque personne dans cette ville, car la ville est l’exposition solide de l’âme commune. Cela signifie que vous vous trouvez en entrant dans la foule – ce qui est le sens premier du mot polis – poly – flux et multiplicité. Pour vous améliorer, vous améliorez votre ville. Cette idée est tellement intolérable pour le moi individualisé qu’il préfère les illusions d’un isolement calme et d’une retraite méditative comme voie vers le Soi. Au contraire, selon moi, le Soi est la voie réelle, la rue de la ville” (CITY AND SOUL, page 115, ma traduction).
Le thème principal de la nouvelle, qui est annoncé par le titre et l’épigraphe de Chedid, développé dans les premier paragraphes, étayé tout le long du texte, et réaffirmé à la fin, c’est l’enfance. Le thème associé c’est comment édifier et protéger le pluralisme d’une polis multiple, fluctuante, et hybride.
Ainsi, l’alchimie de l’enfance et du pluralisme, et leur fragilité, constituent la matrice du récit.
ROSSIGNOL est une belle nouvelle, d’une densité de composition et d’une résonance affective exceptionnelles.
NOIRPUNK SF– social micro-cosmology of the near future
I have just finished reading BLACK TITANIUM the new book by Nick Harkaway. The novel, quite short and an engrossing read, is a perfectly realized synthesis of the science fiction and noir genres. This fusion begins with the title, which expresses the story’s conceptual novum and affective momentum.
NOVUM PROXIMUM – the “Titans”, transgenic transhumans
“Titanium” refers to an extremely expensive gene therapy, T7 (Titanium 7), which recalibrates the body’s biological clock, setting it to a youthful, pre-pubertal age. This allows the body to restart its growth by repairing all its damaged organs and limbs. The lucky beneficiary of the treatment is not only rejuvenated, but renews the maturation process, growing beyond normal adult standards – and the process can be repeated after a few decades, creating in effect potential immortality.
POLITICAL MICRO-COSMOLOGY – The Ultra-rich, Hyper-Care, and Sub-super-humans
Only a privileged few hyper-rich candidates can access the T7 treatment and become quasi-superhumans. The injustice stemming from the existence of an ultra-rich class is compounded by their access to hyperbolically superior care, not only in terms of health and strength, but also longevity. The existence of these superhumans redefines who we are, we are not sub-humans, but sub-super-humans.
DEATH OF AN UNKNOWN TITAN: On the Interpenetration of Worlds
“Noir” refers to a sombre and investigation, with multiple twists, conducted by a cynical and disillusioned private investigator, who remains profoundly human, Cal Sounder. Cal must solve a case involving the murder of a seemingly nondescript man, except for the fact that he is a Titan unknown to the profane world of non-Titans, including the police, who can find no trace of his civil status prior to a few years ago, as if he emerged from nowhere. This unprecedented collision of worlds, Titanic and basic, poses some delicate problems.
TRIGGERING EVENT: A Paradoxical Murder
Human-Titan Roddy Tebbit had the appearance of a man in his forties, yet was 91 years old and two and a half meters tall. Tebbit was difficult to kill, thanks to the greater density and increased strength of his Titan body. He was also dangerous to kill, since he belonged to the super-elite who effectively direct the course of the world, or rather the course of the two worlds, theirs and ours.
SPECULATIVE ETHICS: is the novum a bonum?
Cal Sounder is the perfect intercessor between the two worlds. He knows the twisted and manipulative world of the Titans well, thanks to his Titan ex-girlfriend. He could have become a Titan, but he refuses to accept that a human could hold so much power and wealth. He remains by choice a base-line human.
DARK ANGEL: go-between of worlds, in spite of himself
Cal leads the investigation in the dark underbelly of the two worlds. He is a complex figure, perpetually disillusioned, he manages to remain humane. He doesn’t play by the rules, but it works…most of the time. His services are required by the police because his methods are heterodox but effective. Moreover, he is the perfect scapegoat if the investigation causes too much trouble.
CONCLUSION: The Titans are among us
The novel is easy to read, with a presto tempo, and I devoured it in a few hours, with great pleasure. Written for us, the sub-super-humans of the present, it is both a work of “entertainment” and an incitement for us to confront the titanic problems already shaping the world to come.
SF NOIRPUNK – micro-cosmologie social d’un futur proche
Je viens de finir la lecture TITANIUM NOIR le nouveau livre de Nick Harkaway. Le roman, assez court, constitue une synthèse parfaitement réalisée de la science fiction et du roman noir. Cette fusion commence avec le titre, qui exprime le novum conceptuel et les affects
NOVUM – les “Titans”, transhumains géniques
“Titanium” fait référence à une thérapie génétique, T7 (Titanium 7), extrêmement coûteuse, qui recalibre l’horloge biologique à un âge juvénile, pré-puberté. Ceci permet au corps de redémarrer sa croissance en réparant tous ses organes et membres endommagés. On est rajeuni, on re-grandit au-delà des normes adultes habituels – et le procédé peut être réitéré après quelques décennies, pour créer en effet une potentielle immortalité.
MICRO-COSMOLOGIE POLITIQUE – Ultra-riches, Hyper-Soins, et Sous-sur-humains
Seuls quelques hyper-riches privilégiés peuvent accéder au traitement T7 et devenir des quasi-surhumains. L’injustice provenant de l”existence d’une classe d’ultrariches est redoublée par leur accès à des soins hyperboliquement supérieurs non seulement en termes de santé et de force, mais aussi de longévité. L’existence de ces surhumains nous redéfinit, nous ne sommes pas des sous-hommes, mais des sous-sur-humains.
MORT D’UN TITAN INCONNU: sur l’interpénétration des mondes
“Noir” fait référence à une enquête sombre et à multiples retournements, par un détective privé cynique et désabusé mais qui reste néanmoins très humain, Cal Sounder, qui doit résoudre un cas comportant le meurtre d’un homme en apparence quelconque, sauf pour le fait qu’il est un Titan inconnu au monde profane des non-Titans, y compris à la police, qui ne trouve aucune trace de son état civil antérieur à quelques années, comme si il était émergé de nulle part. La collision des mondes, Titanique et basique, pose des problèmes délicats.
ÉVÉNEMENT DÉCLENCHEUR : un meurtre paradoxal
L’homme-Titan Roddy Tebbit était agé de 91 ans mais avait l’apparence d’un homme d’une quarantaine d’années, et une taille de deux mètres et demi. Tebbit était difficile à tuer, grâce à la plus grande densité et à la force accrue de son corps de Titan. Il était aussi dangereux à tuer, puisqu’il appartenait au super-élite qui dirige en effet le cours du monde, ou plutôt des deux mondes, le sien et le nôtre.
ÉTHIQUE SPÉCULATIVE: le novum est-il un bonum?
Cal Sounder est le parfait intercesseur entre les deux mondes. Il connaît bien le monde tordu et manipulateur des Titans, ex-copine Titan oblige. Il aurait pu devenir Titan, mais il refuse d’accepter qu’un humain puisse détenir tant de pouvoir et de richesse. Il reste par choix un humain de base.
ANGE NOIR: entremetteur des mondes malgré lui
Cal mène l’enquête dans les soubassements des deux mondes, toujours désabusé, toujours humain. Il ne joue pas selon les règles, mais ça passe…la plupart du temps. Ses services sont requis par la police parce que ses méthodes sont hétérodoxes mais efficaces. De surcroît, il est le parfait bouc émissaire si l’enquête provoque trop de remous.
CONCLUSION: les Titans sont parmi nous
Le roman est facile à lire, d’un tempo presto, et je l’ai dévoré en quelques heures, avec un grand plaisir. Écrit pour nous, les sous-sur-humains du présent, c’est un “divertissement” qui en même temps nous met aux prises des problèmes titanesques qui sont déjà en train de dessiner le monde à venir.
I will be discussing Amazon Prime Video’s new SF series THE PERIPHERAL in relation to the novel of the same title by William Gibson, published in 2014. So far six episodes out of eight have been released, and we have seen enough of the show to begin to have an overview of the issues that it allows us to approach.
I am also writing this post in dialogue with the excellent episode by episode commentary being given by Damien Walter on his youtube channel and in the discussion on his facebook page devoted to THE PERIPHERAL. He is giving us a very interesting series of commentaries on the series and I am hoping he will eventually get around to an in depth treatment of the relations between the series and the novel.
READING FAST AND SLOW
I tried to read THE PERIPHERAL when it first came out, but I found it slow going and gave up. I tried again a few times over the intervening years, but never got very far, until I watched the first two episodes of the Amazon Prime series, which inspired me to break through my reader’s block and speed through the whole book in just under two days.
I found the first hundred pages of the novel quite laborious, although the story picked up a lot after that, and I was left with mixed feelings and uncertain about my overall reaction to the story after finishing it. I finally decided that I liked it just a little more than I was dissatisfied with it.
I am glad I watched the first two episodes of the TV series before reading that first part of the book, as I could afford to be patient and persist in the reading, even if some of the details were very different. I liked it enough to want to read the next volume, THE AGENCY, of what is announced to be a trilogy, but William Gibson’s obsessive over-specifying of concrete details is part of the long-windedness of his style, that I find heavy-going. Gibson is striving for both a sense of wonder and a mundane concreteness, and this formal constraint is also part of the theme of the wonders of an accelerated world and their impact on our concrete reality.
WATCHING BRANCHES GROW: be careful what you stub
In many ways the series is an improvement on the novel, in particular in creating real stakes (“skin in the game”) for the link that has been created between the stub past (in the Clayton, South Carolina of 2032) and the future London of 2099. Information flow from the future to the past has a bifurcation between the actual past (maintained unaltered) and a new past branching off from it.
We can imagine the novel and the series as themselves being accelerated information from the future allowing us to branch away from its disastrous timeline and to avoid its apocalyptic prolongations.
WORLD-CROSSED LOVERS AND OTHER OTHERLINGS
In the series the novel’s intra-worldly love interest between Flynne and bachelor Deputy Contstantine gives way to a potential inter-worldly love interest between Flynne and nice guy/bad boy Wilf (Constantine is already married in the series). This detail is the sign of a larger divergence of the series from the book, in that inter-world relations are given greater importance over intra-world ones.
HAPTIC PATHOS AND ARTIFICIAL EMPATHY
This intensification of the inter-worldly connection continues with the beginning of the influence of 2099 on the stub being pre-dated to provide an inter-worldly origin for the “haptic implants”. In this plot development we see the rationale for keeping the haptic implants in place in the series, which seemed strange given that they were removed from the discharged soldiers in the book.
VISUAL SPEED, NARRATIVE SLOWNESS
I have noted that the series’ beginning , because of its visual nature, proceeds much faster than the novel, establishing the central conceit of transformative time travel and showing the world-building at a glance rather than saying it in painstaking descriptions.
On the negative side, the series’ plot proceeds much more slowly than the novel, and I for one don’t look forward to never-ending seasons of THE PERIPHERAL. It is clear that in the two remaining episodes the show will not be able to cover all the remaining plot points of the novel. I would have preferred a one book one season approach.
A CONSPIRACY OF SHADOWS
A second problem for me is the insertion of the hackneyed trope of the “shadowy organisation/malevolent secret society working in the background” into the story. The Research Institute does not have this role in the novel, and it seems an undue concession to the tropes of the genre.
However, introducing this new element may be a necessary move to intensify the inter-worldly interacting and manoeuvring. I particularly like Damien Walter’s linking of accelerationism (a major theme of both the novel and the series) and the myth of a Platonic “higher” world.
TROPES ARE THE SHADOWS OF IDEAS
Perhaps responding to this addition of more tropey elements, Damien Walter, in a comment on facebook, suggests that “the show is becoming a bit Twin Peaky”.
I think this comparison is justified. The Twin Peaks vibe comes in with the tight-knit interactions in rural Clayton, the secrets, the magical “other” lives (thanks to future world, not occult Lodge world), the possession of bodies, the upgrading of Corbell Pickett to a major character (Pickett’s contribution is all too brief in the novel), and the introduction of “Bob”, who functions to break the symmetry between the good guys (around Flynne) and the bad guys (around Cherise). Bob is a rogue bad guy, and he may manage to make things more chaotic – similarly Detective Lowbeer is a rogue goody, from whose intervention anything goes.
The difference between these specific elements of THE PERIPHERAL and their counterparts in TWIN PEAKS corresponds to the more general difference between science fiction (where everything has a natural explanation) and fantasy. Thus the parallelism that we can establishThe Peripheral/Twin Peaks may contain a greater lesson.
ROSETTA STONE BETWEEN MYTHOS AND LOGOS
Everyone likes to quote Arthur C. Clarke’s “law” that any sufficiently advanced science is indistinguishable from magic, but they often fail to notice that this equivalence points in both directions, it permits an inter-translation.
The Rosetta Stone that allows translating from lower to higher, and from mythos to logos, is materialised in the head-set which allows jumping back and forth between coarse flesh bodies and more subtle peripheral bodies. What jumps back and forth between bodies is the spirit, converted into a “polt”. This Rosetta Stone is conceptually materialised (so to speak) in the idea of “data transfer” via “quantum tunnelling”.
LET’S MAKE NEW SYMBOLA
Damien Walter suggests that the search for a new adjustment of the relation between mythos and logos within a single text “has always been a fascination for Gibson. Neuromancer is a logos / mythos symbolon”.
I agree, but I would add that I think this symbolon, with its two pieces of logos and mythos, of cognition and poesis, haunts all of science fiction, its very name a version of that “symbolon”, with its two pieces that must fit together once again.
The very title of NEUROMANCER, “Neuro-” + “-romancer” is a symbolon that is virtually equivalent to Olaf Stapledon’s “STAR MAKER”, given that poesis is both story (romance) and making. The science changes between the two titles, from cosmology to neurology, but the deeper symbolon perdures.
(Note: reading “neuro-” + “-mancer” works too, as we have another version of the union of science (neuro) and mythos (manteia – mantic practices of divination).
My question to Damien Walter would be to apply his own guiding question “what are the myths of the 21st Century?” to THE PERIPHERAL, book and series. Is THE PERIPHERAL opening up onto new mythic ground, or is it part of the generalised nostalgic recycling of 20th Century symbola?
ACCELERATION AND EMPATHY
Martin Heidegger declared in 1961, that “only a god can save us”, thus giving primacy to the saving power of the mythos. William Gibson in The Peripheral seems to retort that “only an acceleration can save us”, giving primacy to logos in its de-mythified form as technology.
However, this acceleration is also the danger, leading us ever-faster towards the “Jackpot”-Apocalypse. THE PERIPHERAL adds a further element into the mix to resolve this dilemma, implicitly arguing that only an acceleration piloted by empathy can save us. This is what Philip K. Dick argued as well. An enhanced form of fellow-feeling, of empathy, that infuses the mythos and pilots the acceleration would seem to be necessary.
MUNDANE MYTHOS
This question of the mythos of the 21st Century may be tied to the idea of a new “hard science fiction” that is closer to home in both space and time, limiting itself to the near (or nearish) future and the near spatial neighbourhood. Perhaps the mythos must become less “mythic” in the stereotypical sense, and more mundane. This evolution towards a more “mundane” mythos is to be seen not only in William Gibson’s works, but also in such a writer as Kim Stanley Robinson.
The question arises: is this more mundane mythos a renouncement of the dreaming or a turn in our relation to the dreaming from a more escapist to a more productive mode?
Surely, other lines of evolution of the mythos-logos-pathos formula are possible that are both captivating and productive.
Un spectre hante les interwebs des lecteurs des chroniques de la science fiction tweetées, bloguées, ou micro-réticulées, c’est le spectre du “post-eganien”. Expression vide de sens, slogan promotionnel pour créer du “buzz”, remix de tropes archi-connus, ou terme idoine pour désigner un type émergent de science fiction? – les avis diffèrent, mais l’expression interpelle nos esprits.
Je vais essayer de répondre à cette question en donnant un corps au spectre, et de lui insuffler un peu de substance conceptuelle.
Avertissement: cette chronique témoigne de mon état de confusion face au roman YMIR, aux réactions exprimées à son style, et au vocable “post-eganien”, et de mes tentatives de répondre à cette confusion et de l’atténuer un tant soit peu. Mes propositions sont seulement des hypothèses, et je serais très reconnaissant de toute suggestion, objection, modification, ou critique.
INTRODUCTION
Tout a commencé pour moi après la lecture d’YMIR, le nouveau roman de Rich Larson, qui a eu une réception mitigée, en anglais et en français. Certains l’ont adoré tandis que d’autres l’ont trouvé très laborieux à lire, trop sombre, trop ressemblant à du déjà connu. Je me suis demandé si on avait lu le même livre, ou si on l’avait lu avec les mêmes protocoles de lecture, puisque j’ai beaucoup aimé le roman. Il me semblait que le récit mettait en scène un protagoniste qui avait de mauvais protocoles de lecture de lui-même et du monde, et qui était forcé par les événements de changer son paradigme de compréhension. Ainsi, par implication, le lecteur était invité de changer de paradigme aussi.
Je cherchais une façon d’exprimer ce qui était nouveau dans le roman, comparé à d’autres romans qu’on pouvait penser appartenir au même “type” qu’ YMIR. Deux comparaisons s’imposaient à moi (a) les romans de Richard Morgan, pour le côté sombre, violent, et “testostéroné” et (b) Greg Egan, pour le côté froid, intellectuel, “quantique”. Je voyais que ceux qui n’avaient pas trop apprécié le roman avaient raison de relever ses traits “morganiens”, mais il me semblait qu’ YMIR, tout en exhibant des traits “eganiens”, les croisaient avec ses aspects morganiens, pour composer un paradigme nouveau.
Pour caractériser cette nouvelle catégorie de la SF je n’avais qu’une poignée de traits agglutinés dans une expression hybride: “c’est du cyber-cosmique-hyper-noir-post-quantique”, par exemple. J’étais dans une impasse! Puis j’ai relu la fin d’YMIR, allant jusqu’à la quatrième de couverture, où j’ai vu cette phrase à propos de Rich Larson:
“À tout juste trente ans, il est le nouveau prodige de la science-fiction anglo-saxonne, le fer de lance d’une littérature post-eganienne qui, distillant les temps présents, synthétise le plus vertigineux des futurs”.
Je ne connais pas l’auteur de cette phrase, ni ce qu’il voulait dire par cette expression, mais le terme “post-eganien” a servi de cristal d’ensemencement pour ma pensée jusqu’alors sous-cristallisée. J’ai pu mieux analyser mes impressions d’YMIR et j’ai vu comment extraire des traits qui pourraient, éventuellement, être appliqués à d’autres romans.
LA MALEDICTION DU “POST-“
J’étais ravi de trouver un vocable court, “post-eganien(ne)”, pour distiller et synthétiser le sens de ma petite liste de traits disparates qui décrivent YMIR, mais qui me semblaient avoir une portée plus générale. Malgré la présence du préfixe “post-” dans ce mot composé il faudrait considérer le “post-eganien” comme une catégorie typologique plutôt que chronologique, donc il ne devrait y avoir aucun problème d’admettre l’existence d’exemples du post-eganien publiés avant Egan. Pour être un candidat plausible pour le label “post-eganien il suffit de cumuler une majorité (càd au moins cinq) de ces traits, et ceci de façon centrale à sa construction, et non de façon seulement anecdotique.
Je suis en ceci le parcours de pensée de Jean-François Lyotard, qui a donné au mot, déjà existant, “postmoderne” le statut d’un concept philosophique. Il a passé le reste de sa vie (de 1980 à 1998, 18 ans!) à regretter les malentendus générés par ce mot, et à essayer d’expliquer que le “post-” n’était pas forcément à prendre au sens chronologique, que le postmoderne souvent précédait le moderne, même à l’intérieur d’un seul texte, que le “post-” serait mieux compris comme “ré-“, que le “ré-” voulait dire non pas répéter retravailler les principes structurant des formes et des contenus”, etc. etc. sur les sables glissants de la conversation médiatique et savante.
Donc pour moi comme pour Lyotard la typologie prime sur la chronologie, sans l’exclure.
NEUF TRAITS DE LA SF POST-EGANIENNE
Dans ma chronique précedente, j’ai tenté de donner une définition contextuelle de la SF “post-eganienne”, et de fournir une liste approximative de ses traits principaux. Pris ensemble ces traits tendent à cerner, sans pleinement définir, une sous-catégorie de la science fiction.
1) décentrement cosmique et narratif: l’humain n’est pas le centre du cosmos, il est une “quantité négligeable”. L’humain n’est pas le centre du récit, ce sont les forces cosmiques, algorithmiques, et sociales qui sont les acteurs les plus importants moi. Affects: l’effroi, l’humilité (allant parfois jusqu’à l’humiliation)
2) vastitude relativiste – le cosmos est définitivement non-newtonien, la vitesse de la lumière et les effets relativistes jouent un rôle déterminant. Affects: vertige, désorientation, émerveillement.
3) hasard quantique – les incertitudes quantiques déconstruisent encore plus le cosmos newtonien, les lois et les concepts déterministes, et les croyances anthropomorphiques (Dieu, le destin, le primat de l’ordre sur le désordre). Affects: angoisse, peur, joie, sentiment de liberté et d’ouverture.
4) grandes multiplicités (essaims et réseaux) – les identités et les unités (de la personne, du monde) se dissolvent dans des éléments de plus en plus petits et de plus en plus réticulés. Affects: panique, décontraction.
5) ontologie mathématisée – la physique non-newtonienne (la relativité et la mécanique quantique) et informationnelle ne sont pas seulement des outils descriptifs mais exprime l’être du monde et de nous-mêmes. Affects: aliénation, confusion, équanimité.
6) froideur et sombreur – l’univers vaste et dé-centré n’est pas fait pour les humains, il y a peu de chances pour la réussite de nos projets ou pour notre survie. L’univers ne fonctionne pas de façon anthropique, sauf dans des îlots d’exception instables. Affects: désespoir, empathie.
7) cyber-soumission et cyber-résistance – les affects tristes et sombres sont prépondérants parmi les humains, et servent à les soumettre, les formater, les dominer. La résistance est parfois possible, mais sans signification au-delà d’elle-même. Affects: résignation, obstination.
8) transcendance ontologique, ascension quantique – on peut dépasser la matière, et donc le corps humain, et se dissoudre dans le tissu informatique ou quantique du cosmos. Affects: crainte, hubris, espoir.
9) éclatement des interprétations (non-sens) – nos schémas habituels pour comprendre le cosmos et pour donner du sens à nos vies sont bâtis sur des idées fausses et donc extrêmement fragiles. Affects: dépersonnalisation, indifférence, ataraxia, éveil.
Ce sont des traits qu’on trouve un peu partout dans la SF, mais pas forcément tous ensemble. Je propose que c’est l’accumulation de tous ces traits, ou du moins de la plupart d’entre eux, dans une seule histoire – figurant à la fois comme des éléments essentiels du world-building et de la structure narrative – qui caractérise ce qu’on pourrait appeler la SF “post-eganienne”.
Le type “post-eganien” serait plus facile à discerner aujourd’hui, après la nouvelle vague, après le cyberpunk, après le “new space opéra”, etc,courants dont il essaie d’hériter. Malgré cela, en tant que bloc de traits il a pu exister à n’importe quel moment de la longue histoire de la science fiction. Le terme lui-même est un peu biaisé, car il décrit un type hybride, au croisement du morganien et de l’eganien.
UNE DERNIÈRE HYPOTHÈSE
On pourrait dire que les concepts sont plutôt eganiens, et les affects sont plutôt morganiens, sauf quand ces mêmes affects sont déconstruits par les lois d’un univers dans lequel ils ont peu de sens et peu d’utilité.
TESTER: vérifier/réfuter
Pour tester ces hypothèses il faudrait chercher d’autres exemples qu’YMIR de récits de science fiction qui semblent posséder ces traits et qui peuvent, ou ne peuvent pas, plausiblement être décrits comme étant “post-eganiens”.
Candidats possibles:
LE GAMBIT DU RENARD – par Yoon Ha Lee
ANATÈME – par Neal Stephenson
La Série Andréa Cort – par Adam-Troy Castro
Peter Watts (proposé par Olivier Girard)
Note: FeydRautha aborde la question de la caractérisation de la SF post-eganienne d’un point de vue un peu plus chronologique, et plus informé par l’histoire de la science fiction que le mien, qui se concentre sur l’aspect typologique. Nos analyses sont donc complémentaires, mais il y a beaucoup de convergences:
Comment lire un roman? Comment lui donner l’occasion de nous dire ce qu’il a du singulier et ce qu’il partage avec d’autres romans auxquels on peut utilement le comparer? Il n’y a pas de méthode ici, pas de recette garantie de réussir, mais il y a des astuces possiblement utile, des “tuyaux”.
Je vais considérer deux tuyaux, deux techniques, qui peuvent enrichir notre lecture de la science fiction, et ceci en rapport avec YMIR le nouveau roman de Rich Larson. Les deux techniques se résument à
1) se demander quel type de roman est-on en train de lire et
2) prêter beaucoup d’attention aux premiers paragraphes (l’incipit).
2) RÉCEPTION MITIGÉE
La réception d’YMIR, a été mitigée, ambivalente, certains l’adoptant tout de suite et le trouvant génial, d’autres trouvant qu’il est “trop noir”, trop ressemblant à du “mauvais Richard Morgan”, ou trop dépendant d’un “twist” qui arrive tardivement dans le roman et qui renverse notre lecture de tout ce qu’on a lu sans grande conviction, jusqu’à ce point. Je vais arguer dans cette chronique que notre lecture du roman peut être enrichie (1) si on le lit comme instanciation d’un type particulier de science fiction et (2) si on se laisse guidé par son début dans notre parcours du récit.
Ainsi, je vais essayer de faire ressortir d’une lecture attentive de l’incipit (technique 2) une réponse à la question concernant le type de roman qu’on est en train de lire (technique 1) pour mieux orienter nos attentes et notre compréhension.
Le débat sur YMIR se passe souvent comme ceci:
A – le roman est trop noir, trop de testostérone à la Richard Morgan (cf. son roman “Carbone Modifié”).
B – on peut avoir cette impression, mais près de la fin du livre on voit que ceci est un malentendu.
A – alors c’est mal écrit, la fin ne peut pas racheter le tout
B – mais dès le début on voit qu’il y a autre chose à l’œuvre, que c’est un roman “post-eganien”.
A – encore pire, je n’apprécie pas du tout Greg Egan.
On voit que c’est un dialogue de sourds, une situation “lose-lose”. Je vais tenter de débloquer la discussion et la transformer en “win-win”.Je vais arguer que si vous n’aimez pas trop le style musclé, noir, et testostérone de Richard Morgan, ni la spéculation absconse de Greg Egan vous pouvez aimer YMIR, puisqu’il se livre à une critique du style morganien et une transmutation du style eganien.
En fait YMIR s’écarte des schémas morganien et eganien dès le début, et ébauche déjà les twists de compréhension qui parsèment le livre, pour éclore explicitement à la fin. Je parlerai de l’incipit, dans l’excellente traduction de Pierre-Paul Durastanti.
Le premier paragraphe est cinématique, une prise panoramique remplie de “sense of wonder”:
“Un énorme vaisseau bocal brun rouille, grêlé et balafré par son voyage, dégringole le ciel sombre et hurlant d’Ymir. Montés du champ de glace, les drones filent à sa rencontre tels des essaims d’insectes, goûtant la coque de leurs bouches électromagnétiques et demandant à connaître la cargaison. Il signale de l’alliage de nickel, de l’hydrogène brut et une quantité négligeable de fret humain”.
Commentaires paragraphe 1
“Un énorme vaisseau bocal”. On est dans le sublime kantien, l’énormité décrite sur toute la page réduit l’importance de l’humain à un peu près rien.
“bocal” – le vaisseau n’a pas la forme phallique d’une fusée. “L’homme” n’est pas au centre de cette histoire, et le vaisseau non plus, il est “grêlé et balafré” par les forces du cosmos.
“Ymir” – le nom de la planète, d’après le dieu géant et brutal des Eddas nordiques, né de la rencontre du souffle ignée et de la glace primordiaux.
“drones”, “bouches électromagnétiques”, “demandant à connaître la cargaison”, “Il [le vaisseau] signale”, “fret humain” – les machines, les AI, dialoguent entre eux, les humains sont déchus de leur statut d’interlocuteurs privilégiés, devenu “fret”.
On voit une allusion à cette histoire des origines au début du second paragraphe:
“Quand il se loge dans son berceau gansé de givre, la chaleur des stabilisateurs sublime la glace. Des nuées de vapeur fusent en tous sens. Le vaisseau bocal gémit, frémit, s’immobilise enfin, puis s’ouvre aux tunnels souterrains où des ouvriers automatisés et des dockers exosquellés attendent de le décharger”.
Commentaires paragraphe 2
“Quand il se loge dans son berceau gansé de givre, la chaleur sublime la glace” – YMIR, le roman, se donne comme une histoire où le cosmique, le tellurique, le mythique, et la technique sont superposés pour former les cercles d’un enfer impersonnel.
(On peut penser à la phrase de René Daumal “L’être humain est une superposition de cercles vicieux”).
Ces cercles, à partir du panorama du début, se rétrécissent progressivement:
image cosmique du vaisseau bocal contenant “une quantité négligeable de fret humain”,
image tellurique du “berceau gansé de givre” et des “tunnels souterrains”
La contraction de perspective se poursuit dans le troisième paragraphe
Paragraphe 3: plan moyen, acteur biomasse torpide
“Par-delà les entrepôts d’alliage et les cuves d’hydrogène, au fond de ses noires entrailles, il y a le bassin de torpeur. Le courant paresseux autour du réacteur baratte les corps qui s’enlacent et se désenlacent, masse à la dérive de chair bleuie”
“Bien qu’en état de mort clinique, ils ne possèdent pas le statut de cadavres”
Commentaires paragraphe 3
“bassin de torpeur” immense, où “le courant paresseux baratte… [une] masse à la dérive de chair bleuie” – dans cette immensité l’humain subit un traitement réifié et massifié, dédifférencié.
“Bien qu’en état de mort clinique, ils ne possèdent pas le statut de cadavres” – de cette masse indifférenciée de chair bleuie, on va extraire un quasi-cadavre dont la mort (un état de mort paradoxale, car cliniquement constatable, mais juridiquement non-reconnu) comme la vie lui ont été volées. Il s’agit de Yorick, le non-héros (même pas l’anti-héros) de cette histoire.
4) THÈMES ÉMERGENTS DE L’INCIPIT
1) Le décentrement – l’humain n’est pas au centre du cosmos, et Yorick, ce petit quasi-mort extrait de la vaste multiplicité de quasi-cadavres maintenus machiniquement et cybernétiquement, n’est pas au centre de cette histoire (on peut noter qu’à l’opposé Carbone Modifié commence avec le héros, qui parle à la première personne).
2) La vastitude – la vie humaine est réduite à l’insignifiance, quantité négligeable de fret, masse de chair, à peine distinguable d’un cadavre.
3) La multiplicité – “essaims”, “nuées”, “les corps” barattés. La singularité de l’être humain dans cette masse n’est presque rien, elle est conférée provisoirement, dans un contexte particulier, par une opération d’extraction.
Décentrement, vastitude et multiplicité impliquent
4) Le hasard – une histoire tissée de rencontres hasardeuses et parfois, très rarement, heureuses. On est plongé dès le début (dans la chance, bonne (peu probable) ou (beaucoup plus probable) mauvaise, dans l’anti-destin.
5) L’indifférence froide et effrayante de l’univers – où les humains évoluent dans la sombreur infernale.
6) la soumission de l’humain aux impératifs et aux traitements cybernétiques et machiniques
Conséquence, un septième thème:
7) L’éclatement des interprétations – les humains essaient de donner du sens à ce qui dépasse, et de loin, toute signification humaine.
Le travail de l’incipit a été de poser ces thèmes non pas abstraitement, mais à travers une série d’images poétiques et narratives.
5) DÉFINITION DE LA SF POST-EGANIENNE
En suivant les indications de l’incipit nous sommes arrivés aussi à une définition contextuelle de la SF “post-eganienne”, et à un recensement (approximatif) de ses traits principaux.
Décentrement cosmique et narratif, vastitude relativiste, grande multiplicité (essaims et réseaux), hasard non-seulement existentiel mais ontologique (quantique), indifférence (froideur et sombreur), cyber-soumission, et éclatement des interprétations (non-sens).
Ce sont des traits qu’on trouve un peu partout dans la SF, mais pas forcément tous ensemble. C’est le regroupement de tous ces traits, ou du moins de la majorité, dans une seule histoire – figurant comme des éléments essentiels du world-building et de la narration – qui caractérise ce qu’on pourrait appeler la SF “post-eganienne”.
Note: Les analyses de FeydRautha sont convergentes avec les miennes à la fois sur la caractérisation de la SF post-eganienne et sur la qualité du roman YMIR de Rich Larson comme instanciation de cette catégorie. Voir:
L’expression “post-eganien”est apparemment mal comprise, dû à une acception trop chronologique du préfixe. “Post-eganien” ne veut pas dire “qui ressemble à l’œuvre de Greg Egan”, en ce cas le mot idoine serait “eganien”, sans le “post-“.
En fait, le “post-” n’est pas principalement historique, ce n’est pas seulement ce qui vient après. “Post-” fonctionne un peu comme le “non-” dans l’expression “géométrie non-euclidienne”, qui ne décrit pas une géométrie qui s’oppose à la géométrie euclidienne mais une géométrie qui partage beaucoup de ses axiomes et qui en modifie d’autres, exprimant à la fois la proximité et la distance des pré-construits.
Ainsi, la SF “post-eganienne” ne ressemble pas forcément à la SF de Greg Egan, mais elle peut et présupposer le genre de coupure que représente ces œuvres et chercher à réinscrire ces acquis, en les modifiant, dans de tout autres types de récit.
Le mouvement anti-spoiler est un gros problème aujourd’hui. Elle est basée sur l’idée populaire mais fausse que l’on peut aborder un texte (un film, une série, une personne, etc.) sans a priori, comme une expérience “pure”. C’est le Sartre de “l’enfer, c’est les autres”.
En fait, les spoilers sont inévitables et peuvent souvent enrichir notre expérience. Peut-être devraient-ils être appelés “amplificateurs”? C’est le “Je est un autre” de Rimbaud
(C’est aussi “Le moi est haïssable.” de Pascal – le texte tout comme le lecteur peut fonctionner comme un “moi”, un ego unitaire opposé à l’expérience d’une altérité transformatrice).
Lire c’est noétiser, c’est à dire travailler (ou jouer) avec son esprit et son âme (et son corps) en faisant usage de sa force de pensée et d’imaginer (aspects de sa force de travail). On lit, on fabrique sa lecture, avec tous les matériaux disponibles.
Ce qui est nuisible ce ne sont pas les spoilers en tant que tels, mais les “mauvais” spoilers, ceux qui entourent le texte avec des réactions consensuelles et qui réduisent le texte à un objet qu’on peut catégoriser, au lieu de traiter comme un ensemble de signes qui peuvent stimuler notre esprit.
Si j’écris une chronique sur un texte, j’essaie de “dé-consensualiser” un texte (film, série, etc.), de lui rendre un peu de la joie de penser et d’imaginer qu’il nous communique.
Je suis donc d’accord avec Jesse Willis du SFFaudio Podcast que si un texte vaut la peine d’être lu on ne peut pas le “spoiler”, mais on peut l’amplifier.
Concrètement, je lis régulièrement les chroniques de
et beaucoup d’autres sans me soucier de si j’ai lu l’histoire recensée ou non. J’ai assez de confiance que je vais trouver leurs idées pertinentes, sans avoir besoin d’être d’accord, et sans craindre d’être influencé – je suis assez dissensuel de nature, sans avoir à faire d’efforts particuliers pour l’être.
Partager les idées d’une bonne histoire ne la gâche pas mais donne envie de la lire. Révéler les points de l’intrigue d’une histoire pauvre en idées la gâche souvent. Certains auteurs ne semblent pas être capables de faire la distinction entre les idées et les points de l’intrigue.
A quoi bon bloguer si les lecteurs visés doivent avoir fait les mêmes lectures que moi?
J’écris, comme je lis, pour sortir de ma bulle, non pas pour m’y enfermer.
“Ça ne va bien pour personne », dit-il, parce que c’est une plaisanterie entre eux, tirée d’une vieille ballade“.
Un consensus semble en voie de se cristalliser autour du nouveau roman de Rich Larson. YMIR serait à la fois “trop noir” et “moins bien que ses nouvelles”. On a l’image d’un auteur qui maîtrise bien la forme courte, mais qui “peut faire mieux” dans le registre de la forme longue. Je veux arguer que cette première impression est tout à fait compréhensible mais que notre pratique de lecture ne peut pas se contenter de premières impressions.
Pour moi, au contraire, même si tout ne s’arrange pas vraiment à la fin, ça se déjoue un peu. La noirceur se dilue timidement, et l’inexorabilité se défait totalement. Larson se montre maître de sa forme, jouant l’errance de la balade contre la rigidité de la ballade.
J’ai lu YMIR en anglais d’abord et peu après en français, et je l’ai beaucoup aimé, malgré son côté hyper-sombre. Il est vrai que cette noirceur hyperbolique, rappelant les romans de Richard Morgan, mais on peut sentir qu’il y a autre chose en jeu. Richard Morgan a écrit qu’il a été professeur d’anglais (comme moi!) pendant 14 ans, et qu’il était obligé d’être gentil et à l’écoute tout le temps (donc inhibé), et par conséquent qu’il avait besoin de compenser dans ses romans par une désinhibition totale.
Rich Larson n’a pas ce problème et peut donc incorporer une plus grande dose de philosophie dans son écriture.
Je suis d’accord avec ceux qui trouvent que les personnages du roman sont tous dépeint en niveaux de gris, ce qui explique que certains lecteurs ont du mal à y entrer. C’est dommage, puisque malgré ce premier plan de noirceur où “ça ne va bien pour personne”, il y a un arrière-plan un peu plus réfléchi. C’est ce que j’ai tenté de montrer dans mon analyse précédente: https://xenoswarm.wordpress.com/2022/09/22/ymir-defaire-le-visage-deconstruire-le-destin/ .
Ce qui est étrange, c’est que j’ai eu le même ressenti que les lecteurs qui n’ont vu rien que la noirceur, le nihilisme et l’inexorabilité d’un destin tragique, et aussi le ressenti inverse en même temps. J’ai remarqué le même assemblage de traits que les autres lecteurs (découpage micro-attentionnel, inexorabilité, hyper-noirceur, tragique) et en même temps une deuxième série de traits qui défont ce premier montage. Donc, je l’ai lu avec de plus en plus de plaisir, en progressivement révisant mes premières impressions et comme je l’ai dit en introduction, je l’ai dévoré sur 2 jours.
J’ai été obligé au fur et mesure de ma lecture de réviser mes impressions, et enfin de voir que le texte était plus poétique et plus philosophique qu’il ne semblait. Cette expérience d’être désorienté, d’errer au hasard malgré sa conviction de suivre les “rails” inexorables d’un destin, et de devoir constamment réviser ses impressions, que le protagoniste vit aussi, est un thème central du livre et de sa forme.
Pour moi la clé du roman se situe près de la fin, au milieu du chapitre 90, quand le “protagoniste” Yorick comprend qu’il n’est pas au centre de cette histoire, que ce n’est pas une tragédie, qu’il n’y a pas de rails inflexibles, et qu’il n’y a pas d’inexorabilité.
“Il regarde les clanneurs blottis les uns contre les autres, enlacés, enlaçant Thello, puis s’avise que ça n’a jamais été sa ballade. Il n’était pas destiné à se trouver ici. L’absence soudaine de rails invisibles lui donner le vertige. Des embranchements quantiques se déploient en tous sens, se décalant, fusionnant et se scindant comme les formes dans la mer électrique de l’ansible“.
Ce n’est pas une ballade tragique, mais un chant quantique.
A la lecture de ce passage je me suis dit que c’est très bien de mettre du “quantum” plein les yeux (par exemple Derek Künsken), mais ça relève d’un niveau au-dessus de nous faire sentir comment on peut se voir comme le héros dans un drame inexorable de sa propre fabrication sur fond quantique d’incertitudes et de bifurcations scotomisées.
Il y a un autre passage clé, bien avant, au milieu du livre (chapitre 50) qui peut passer inaperçu si on n’est pas sensible à ce jeu de construction/déconstruction qui parcourt le livre:
“Si l’enfer existe, un royaume souterrain quantique que les histoires de leur mère ont invoqué sans le savoir, leurs deux spectres [Thello et Yorick] finiront par s’y rencontrer et par relancer le cycle“.
On a à la fois l’image un cycle infernal, à l’image du Retour Éternel du Même des Stoïciens, et celle d’un royaume souterrain quantique susceptible à bifurquer autrement, à l’image du Retour Éternel du Différent chez Nietzsche.
Oui, la violence et la noirceur de l’intrigue sont au premier plan, et ceci ne doit pas cacher un deuxième plan de worldbuilding bien mené, mais aussi je pense qu’il y a un troisième plan “quantique” derrière les deux autres, que je n’ai pas vu figurer dans les comptes rendus que j’ai vus.
Rich Larson appartient à cette minorité de gens qui sont “cérébralement pessimiste mais nerveusement optimiste” (pour citer le peintre Francis Bacon). On peut être convaincu intellectuellement de l’inévitabilité tragique tout en ressentant les embranchements d’autres choix possibles.
Je pense donc que l’écriture d’YMIR est plus réflexive que certains lecteurs semblent croire. Les livres ce sont des effets, mais les effets peuvent être modifiés au montage mental, qui accompagne et qui suit la lecture. Voir YMIR comme une auto-critique de la forme nouvelle produit des effets aussi. Un re-montage peut tout changer.
Ce qui m’importe, au-delà de mon enthousiasme pour le roman, c’est ce processus de lecture par essais et erreurs. Il faut se méfier de ses premières impressions et être prêt à les corriger avant, pendant, et après sa lecture. Il se trouve que c’est un des thèmes d’YMIR, à méditer.
Tade Thompson’s new book JACKDAW is a fictional grokumentary where the protagonist, who is also the narrator, called “Tade Thompson” is writing a novella based on the works of Francis Bacon. The resulting story shows just how far the fictional author is willing to go in the attempts to understand Bacon from the inside, as a method for writing the book.
The question of method, the search for a method adequate to the task, crops up at the very beginning. Our narrator, the in-story “Tade”, tells us about the tiny incident that triggered his authorial journey. His literary agent Tarquin calls him up about a proposition to write a book based on Francis Bacon’s work, he replies:
The scientific method dude or the Screaming Popes guy?’ ‘What scientific method?’ ‘Instauratio Magna? Lord Bacon? None of this rings a bell?’ ‘I’m talking about the twentieth-century artist, Tade.’ ‘So Screaming Popes guy.’
The irony is that in the name of scientific method the fictional “Tade”, who like the real-world author is not only a well-known author of body-horror themed SF (so “Screaming Popes”) but also a practising psychiatrist (so “scientific method”), is going to go all out Screaming Popes.
MONSTERS FROM THE ID
If FORBIDDEN PLANET had not been a science fictional film retelling of THE TEMPEST but an autofictive autogrokumentary meta-novella retelling of Francis Bacon’s autofictive autogrockumentary paintings we would get something like JACKDAW.
This may seem complicated but the story itself is a quick, easy, and fun read:
Having accepted the task of writing a novella, the fictional narrator/author (called “Tade”, “Thompson”, “Tade Thompson”, or “Double-Tee”) goes on a “weird psychosexual journey” and falls prey to monsters from the id (as FORBIDDEN PLANET called them). These monsters from the id (the intradiegetic, or in-story, author calls them hauntings, obessions, compulsions) spiral Tade’s life into chaos.
“Tade” falls victim to “compulsive masturbation”, a metaphor perhaps for compulsive writing (or painting) – unless from the id’s perspective it is the writing that is a metaphor. He looks at photos of Bacon’s studio and sees only a mess:
“I looked for some order, some organising principle, but all these photographs told me was that this person used whatever was at hand to create whatever he wanted“
Our narrator (a clinical psychiatrist) that Bacon acted out his id and drew on it to paint. He chooses to do the same, in order to write his novella, as if by a method of sympathetic magic:
“In order to write this, I must access and give full rein to my Id. Full subconscious release. Stab the superego to death”.
His experiment in voluntary disinhibition (a little like Arthur Rimbaud’s systematic derangement of the senses) leads him to visions and hallucinations, and speeds him on a “weird psychosexual journey”, from compulsory masturbation, through participant-observation in sado-masochistic sexual experiences, then paying a “rent boy” to beat him up and sodomise him.
CONCEPTUAL BUGGERY
I see JACKDAW as itself embodying an act of conceptual buggery. In the novel it is “Tade” the character who is paying to be sodomised by a dominatrix (before moving on to harder stuff with the rent boy) as part of his “research” into writing a novella based on Francis Bacon’s life and work. But as his dominatrix, “Danni the Destroyer”, remarks:
“This isn’t a binary state, Tade. Being either Dom or sub isn’t a switch”.
I think that Tade Thompson the real-world author is also doing the Dom and being the sub in an act of conceptual buggery with Francis Bacon.
This method of “conceptual buggery” was famously put forward by philosopher Gilles Deleuze, who wrote important studies of several key figures in the history of philosophy, before writing books expressing his own philosophy, some of them quite crazy-seeming (at least to some literal-minded eyes).
Deleuze tells us:
“I suppose the main way I coped with it at the time was to see the history of philosophy as a sort of buggery or (it comes to the same thing) immaculate conception. I saw myself as taking an author from behind and giving him a child that would be his own offspring, yet monstrous. It was really important for it to be his own child, because the author had to actually say all I had him saying. But the child had to be monstrous too, because it resulted from all sorts of shifting, slipping, dislocations, and hidden emissions that I really enjoyed”.
I would add that in Deleuze’s case, as in Tade Thompson’s, this process of buggery is in both directions and it is a conceptual or psychic process. In the case of the conceptual character “Tade Thompson” the process was literal for the major part of the book.
Note: by the expression “conceptual character” I am echoing (and probably misusing) one of Deleuze’s terms, and using it as a de-literalising device, to distinguish the author Tade Thompson from his fictional double. I am not using it to describe what “Tade Thompson” calls his “anthropologist” perspective, one of “participant-observation”. Danni the Destroyer quickly demolishes such defensive notions as being those of a “tourist”.
In order to avoid the dead-end of a superficial tourism the pathologising has to go deeper. But does the pathologising have to be literal?
THE ARTIST AS JACKDAW
There is no mention of birds or jackdaws in the novella, but we can find Francis Bacon using the word in a conversation reported by John Russell (in FRANCIS BACON, page 71):
“I think of myself as a kind of pulverizing machine into which everything I look at and feel is fed. I believe that I am different from the mixed-media jackdaws who use photographs etc. more or less literally or cut them up and rearrange them). The literalness of photographs so used — even if they are only fragments — will prevent the emergence of real images, because the literalness of the appearance has not been sufficiently digested and transformed”.
One could read this as Francis Bacon saying that he is not a “jackdaw”, but it is perhaps more interesting to say he is not like the “mixed-media jackdaws”. Francis Bacon is his own type of jackdaw. He does not exclude collecting, cutting up, rearranging materials, nor taking them literally at some time, only using them literally. He thinks these procedures do not go far enough.
Francis Bacon’s jackdaw is also a “pulverising machine”. The complete creative process is collect, cut up and rearrange, ingest, digest, transform. Literalism is not enough. It does not suffice to free us from the cliché.
Tade Thompson is also a jackdaw/pulverising machine. This is my answer to the question of who is the “jackdaw” referred to in the title of Tade Thompson’s new book JACKDAW? The answer is Francis Bacon, “Tade Thompson” the protagonist (a very literal-minded writer), and Tade Thompson the author.
CONCLUSION
I do not wish to spoil the ending except to say that in appearance the Lord Bacon’s scientific method wins over the in-story author’s attempt to imitate the artist Francis Bacon’s method. Both are “empirical” in one sense of the word, so it may be that scientific empiricism wins over existential empiricism, and that this is the contribution of the real-world author to the meta-structuring of the story. In that case it would be the scientific equivalent of “it was all a dream”. I prefer to see the ending as showing that pathology is not a foolproof path to creation, even when it is taken metaphorically, and that happier models (cf. the in-story author’s collaboration with his son on an illustrated children’s book). Some have criticised this ending but it is not the true ending.
Part of what the novella shows is that the phenomena that filled Francis Bacon’s life and work can look very different to people with different experiences – coming from a different part of the world (or another subculture) where violence is more widespread and more horrific, “deviant” sexual practices are banalised, vices (such as gambling) are transformed by more modern technology, communion with phantom, and spirits is less psychiatrised.
The real end, the “final end”, of Tade Thompson’s discourse on method, is not the scientific explanation nor the family-life flourishing (with the ambivalently named son “Trap”) but “Tade’s” failed attempt to contact his dead father, leading to a non-Oedipal “peace”.
The final word I leave to Deleuze (DIALOGUES, page 119):
“My ideal, when I write about an author, would be to write nothing that could cause him sadness, or if he is dead, that might make him weep in his grave. Think of the author you are writing about. Think of him so hard that he can no longer be an object, and equally so that you cannot identify with him. Avoid the double shame of the scholar and the familiar. Give back to an author a little of the joy, the energy, the life of love and politics that he knew how to give and invent. So many dead writers must have wept over what has been written about them. I hope that Kafka was happy at the book that we did on him…”
Tade Thompson wrote JACKDAW not to identify with Francis Bacon like a histrionic artist and not to study him like an academic psychiatrist. He did it to think of him so intensely that he could not take him as a model or an object.
The ending leaves us feeling, as Camus did for Sisyphus, that we must imagine Francis Bacon happy.