YMIR – Un Incipit “Post-Eganien”

1) MÉTHODE DE LECTURE

Comment lire un roman? Comment lui donner l’occasion de nous dire ce qu’il a du singulier et ce qu’il partage avec d’autres romans auxquels on peut utilement le comparer? Il n’y a pas de méthode ici, pas de recette garantie de réussir, mais il y a des astuces possiblement utile, des “tuyaux”.

Je vais considérer deux tuyaux, deux techniques, qui peuvent enrichir notre lecture de la science fiction, et ceci en rapport avec YMIR le nouveau roman de Rich Larson. Les deux techniques se résument à

1) se demander quel type de roman est-on en train de lire et

2) prêter beaucoup d’attention aux premiers paragraphes (l’incipit).

2) RÉCEPTION MITIGÉE

La réception d’YMIR, a été mitigée, ambivalente, certains l’adoptant tout de suite et le trouvant génial, d’autres trouvant qu’il est “trop noir”, trop ressemblant à du “mauvais Richard Morgan”, ou trop dépendant d’un “twist” qui arrive tardivement dans le roman et qui renverse notre lecture de tout ce qu’on a lu sans grande conviction, jusqu’à ce point. Je vais arguer dans cette chronique que notre lecture du roman peut être enrichie (1) si on le lit comme instanciation d’un type particulier de science fiction et (2) si on se laisse guidé par son début dans notre parcours du récit.

Ainsi, je vais essayer de faire ressortir d’une lecture attentive de l’incipit (technique 2) une réponse à la question concernant le type de roman qu’on est en train de lire (technique 1) pour mieux orienter nos attentes et notre compréhension.

Le débat sur YMIR se passe souvent comme ceci:

A – le roman est trop noir, trop de testostérone à la Richard Morgan (cf. son roman “Carbone Modifié”).

B – on peut avoir cette impression, mais près de la fin du livre on voit que ceci est un malentendu.

A – alors c’est mal écrit, la fin ne peut pas racheter le tout

B – mais dès le début on voit qu’il y a autre chose à l’œuvre, que c’est un roman “post-eganien”.

A – encore pire, je n’apprécie pas du tout Greg Egan.

On voit que c’est un dialogue de sourds, une situation “lose-lose”. Je vais tenter de débloquer la discussion et la transformer en “win-win”.Je vais arguer que si vous n’aimez pas trop le style musclé, noir, et testostérone de Richard Morgan, ni la spéculation absconse de Greg Egan vous pouvez aimer YMIR, puisqu’il se livre à une critique du style morganien et une transmutation du style eganien.

En fait YMIR s’écarte des schémas morganien et eganien dès le début, et ébauche déjà les twists de compréhension qui parsèment le livre, pour éclore explicitement à la fin. Je parlerai de l’incipit, dans l’excellente traduction de Pierre-Paul Durastanti.

3) ANALYSE DE L’INCIPIT

Paragraphe 1: panorama cosmique, acteurs cybernétiques

Le premier paragraphe est cinématique, une prise panoramique remplie de “sense of wonder”:

“Un énorme vaisseau bocal brun rouille, grêlé et balafré par son voyage, dégringole le ciel sombre et hurlant d’Ymir. Montés du champ de glace, les drones filent à sa rencontre tels des essaims d’insectes, goûtant la coque de leurs bouches électromagnétiques et demandant à connaître la cargaison. Il signale de l’alliage de nickel, de l’hydrogène brut et une quantité négligeable de fret humain”.

Commentaires paragraphe 1

“Un énorme vaisseau bocal”. On est dans le sublime kantien, l’énormité décrite sur toute la page réduit l’importance de l’humain à un peu près rien.

“bocal” – le vaisseau n’a pas la forme phallique d’une fusée. “L’homme” n’est pas au centre de cette histoire, et le vaisseau non plus, il est “grêlé et balafré” par les forces du cosmos.

“Ymir” – le nom de la planète, d’après le dieu géant et brutal des Eddas nordiques, né de la rencontre du souffle ignée et de la glace primordiaux.

“drones”, “bouches électromagnétiques”, “demandant à connaître la cargaison”, “Il [le vaisseau] signale”, “fret humain” – les machines, les AI, dialoguent entre eux, les humains sont déchus de leur statut d’interlocuteurs privilégiés, devenu “fret”.

Paragraphe 2: panorama tellurique, acteurs machinqiques

On voit une allusion à cette histoire des origines au début du second paragraphe:

“Quand il se loge dans son berceau gansé de givre, la chaleur des stabilisateurs sublime la glace. Des nuées de vapeur fusent en tous sens. Le vaisseau bocal gémit, frémit, s’immobilise enfin, puis s’ouvre aux tunnels souterrains où des ouvriers automatisés et des dockers exosquellés attendent de le décharger”.

Commentaires paragraphe 2

“Quand il se loge dans son berceau gansé de givre, la chaleur sublime la glace” – YMIR, le roman, se donne comme une histoire où le cosmique, le tellurique, le mythique, et la technique sont superposés pour former les cercles d’un enfer impersonnel.

(On peut penser à la phrase de René Daumal “L’être humain est une superposition de cercles vicieux”).

Ces cercles, à partir du panorama du début, se rétrécissent progressivement:

image cosmique du vaisseau bocal contenant “une quantité négligeable de fret humain”,

image tellurique du “berceau gansé de givre” et des “tunnels souterrains”

La contraction de perspective se poursuit dans le troisième paragraphe

Paragraphe 3: plan moyen, acteur biomasse torpide

“Par-delà les entrepôts d’alliage et les cuves d’hydrogène, au fond de ses noires entrailles, il y a le bassin de torpeur. Le courant paresseux autour du réacteur baratte les corps qui s’enlacent et se désenlacent, masse à la dérive de chair bleuie”

“Bien qu’en état de mort clinique, ils ne possèdent pas le statut de cadavres”

Commentaires paragraphe 3

“bassin de torpeur” immense, où “le courant paresseux baratte… [une] masse à la dérive de chair bleuie” – dans cette immensité l’humain subit un traitement réifié et massifié, dédifférencié.

“Bien qu’en état de mort clinique, ils ne possèdent pas le statut de cadavres” – de cette masse indifférenciée de chair bleuie, on va extraire un quasi-cadavre dont la mort (un état de mort paradoxale, car cliniquement constatable, mais juridiquement non-reconnu) comme la vie lui ont été volées. Il s’agit de Yorick, le non-héros (même pas l’anti-héros) de cette histoire.

4) THÈMES ÉMERGENTS DE L’INCIPIT

1) Le décentrement – l’humain n’est pas au centre du cosmos, et Yorick, ce petit quasi-mort extrait de la vaste multiplicité de quasi-cadavres maintenus machiniquement et cybernétiquement, n’est pas au centre de cette histoire (on peut noter qu’à l’opposé Carbone Modifié commence avec le héros, qui parle à la première personne).

2) La vastitude – la vie humaine est réduite à l’insignifiance, quantité négligeable de fret, masse de chair, à peine distinguable d’un cadavre.

3) La multiplicité – “essaims”, “nuées”, “les corps” barattés. La singularité de l’être humain dans cette masse n’est presque rien, elle est conférée provisoirement, dans un contexte particulier, par une opération d’extraction.

Décentrement, vastitude et multiplicité impliquent

4) Le hasard – une histoire tissée de rencontres hasardeuses et parfois, très rarement, heureuses. On est plongé dès le début (dans la chance, bonne (peu probable) ou (beaucoup plus probable) mauvaise, dans l’anti-destin.

5) L’indifférence froide et effrayante de l’univers – où les humains évoluent dans la sombreur infernale.

6) la soumission de l’humain aux impératifs et aux traitements cybernétiques et machiniques

Conséquence, un septième thème:

7) L’éclatement des interprétations – les humains essaient de donner du sens à ce qui dépasse, et de loin, toute signification humaine.

Le travail de l’incipit a été de poser ces thèmes non pas abstraitement, mais à travers une série d’images poétiques et narratives.

5) DÉFINITION DE LA SF POST-EGANIENNE

En suivant les indications de l’incipit nous sommes arrivés aussi à une définition contextuelle de la SF “post-eganienne”, et à un recensement (approximatif) de ses traits principaux.

Décentrement cosmique et narratif, vastitude relativiste, grande multiplicité (essaims et réseaux), hasard non-seulement existentiel mais ontologique (quantique), indifférence (froideur et sombreur), cyber-soumission, et éclatement des interprétations (non-sens).

Ce sont des traits qu’on trouve un peu partout dans la SF, mais pas forcément tous ensemble. C’est le regroupement de tous ces traits, ou du moins de la majorité, dans une seule histoire – figurant comme des éléments essentiels du world-building et de la narration – qui caractérise ce qu’on pourrait appeler la SF “post-eganienne”.

Note: Les analyses de FeydRautha sont convergentes avec les miennes à la fois sur la caractérisation de la SF post-eganienne et sur la qualité du roman YMIR de Rich Larson comme instanciation de cette catégorie. Voir:

6) NOTE SUR LE PRÉFIXE “POST-“

L’expression “post-eganien”est apparemment mal comprise, dû à une acception trop chronologique du préfixe. “Post-eganien” ne veut pas dire “qui ressemble à l’œuvre de Greg Egan”, en ce cas le mot idoine serait “eganien”, sans le “post-“.

En fait, le “post-” n’est pas principalement historique, ce n’est pas seulement ce qui vient après. “Post-” fonctionne un peu comme le “non-” dans l’expression “géométrie non-euclidienne”, qui ne décrit pas une géométrie qui s’oppose à la géométrie euclidienne mais une géométrie qui partage beaucoup de ses axiomes et qui en modifie d’autres, exprimant à la fois la proximité et la distance des pré-construits.

Ainsi, la SF “post-eganienne” ne ressemble pas forcément à la SF de Greg Egan, mais elle peut et présupposer le genre de coupure que représente ces œuvres et chercher à réinscrire ces acquis, en les modifiant, dans de tout autres types de récit.

LE MOUVEMENT ANTI-SPOILER: un non-sens philosophique

Le mouvement anti-spoiler est un gros problème aujourd’hui. Elle est basée sur l’idée populaire mais fausse que l’on peut aborder un texte (un film, une série, une personne, etc.) sans a priori, comme une expérience “pure”. C’est le Sartre de “l’enfer, c’est les autres”.

En fait, les spoilers sont inévitables et peuvent souvent enrichir notre expérience. Peut-être devraient-ils être appelés “amplificateurs”? C’est le “Je est un autre” de Rimbaud

(C’est aussi “Le moi est haïssable.” de Pascal – le texte tout comme le lecteur peut fonctionner comme un “moi”, un ego unitaire opposé à l’expérience d’une altérité transformatrice).

Lire c’est noétiser, c’est à dire travailler (ou jouer) avec son esprit et son âme (et son corps) en faisant usage de sa force de pensée et d’imaginer (aspects de sa force de travail). On lit, on fabrique sa lecture, avec tous les matériaux disponibles.

Ce qui est nuisible ce ne sont pas les spoilers en tant que tels, mais les “mauvais” spoilers, ceux qui entourent le texte avec des réactions consensuelles et qui réduisent le texte à un objet qu’on peut catégoriser, au lieu de traiter comme un ensemble de signes qui peuvent stimuler notre esprit.

Si j’écris une chronique sur un texte, j’essaie de “dé-consensualiser” un texte (film, série, etc.), de lui rendre un peu de la joie de penser et d’imaginer qu’il nous communique.

Je suis donc d’accord avec Jesse Willis du SFFaudio Podcast que si un texte vaut la peine d’être lu on ne peut pas le “spoiler”, mais on peut l’amplifier.

Concrètement, je lis régulièrement les chroniques de

https://lecultedapophis.com/

https://lepauledorion.com/

https://syndromequickson.com/

https://lechiencritique.blogspot.com/

https://www.quoideneufsurmapile.com/

et beaucoup d’autres sans me soucier de si j’ai lu l’histoire recensée ou non. J’ai assez de confiance que je vais trouver leurs idées pertinentes, sans avoir besoin d’être d’accord, et sans craindre d’être influencé – je suis assez dissensuel de nature, sans avoir à faire d’efforts particuliers pour l’être.

Partager les idées d’une bonne histoire ne la gâche pas mais donne envie de la lire. Révéler les points de l’intrigue d’une histoire pauvre en idées la gâche souvent. Certains auteurs ne semblent pas être capables de faire la distinction entre les idées et les points de l’intrigue.

A quoi bon bloguer si les lecteurs visés doivent avoir fait les mêmes lectures que moi?

J’écris, comme je lis, pour sortir de ma bulle, non pas pour m’y enfermer.

YMIR ET LE CHANT QUANTIQUE (No Quantum, No Cry)

Ça ne va bien pour personne », dit-il, parce que c’est une plaisanterie entre eux, tirée d’une vieille ballade“.

Un consensus semble en voie de se cristalliser autour du nouveau roman de Rich Larson. YMIR serait à la fois “trop noir” et “moins bien que ses nouvelles”. On a l’image d’un auteur qui maîtrise bien la forme courte, mais qui “peut faire mieux” dans le registre de la forme longue. Je veux arguer que cette première impression est tout à fait compréhensible mais que notre pratique de lecture ne peut pas se contenter de premières impressions.

Pour moi, au contraire, même si tout ne s’arrange pas vraiment à la fin, ça se déjoue un peu. La noirceur se dilue timidement, et l’inexorabilité se défait totalement. Larson se montre maître de sa forme, jouant l’errance de la balade contre la rigidité de la ballade.

J’ai lu YMIR en anglais d’abord et peu après en français, et je l’ai beaucoup aimé, malgré son côté hyper-sombre. Il est vrai que cette noirceur hyperbolique, rappelant les romans de Richard Morgan, mais on peut sentir qu’il y a autre chose en jeu. Richard Morgan a écrit qu’il a été professeur d’anglais (comme moi!) pendant 14 ans, et qu’il était obligé d’être gentil et à l’écoute tout le temps (donc inhibé), et par conséquent qu’il avait besoin de compenser dans ses romans par une désinhibition totale.

Rich Larson n’a pas ce problème et peut donc incorporer une plus grande dose de philosophie dans son écriture.

Je suis d’accord avec ceux qui trouvent que les personnages du roman sont tous dépeint en niveaux de gris, ce qui explique que certains lecteurs ont du mal à y entrer. C’est dommage, puisque malgré ce premier plan de noirceur où “ça ne va bien pour personne”, il y a un arrière-plan un peu plus réfléchi. C’est ce que j’ai tenté de montrer dans mon analyse précédente: https://xenoswarm.wordpress.com/2022/09/22/ymir-defaire-le-visage-deconstruire-le-destin/ .

Ce qui est étrange, c’est que j’ai eu le même ressenti que les lecteurs qui n’ont vu rien que la noirceur, le nihilisme et l’inexorabilité d’un destin tragique, et aussi le ressenti inverse en même temps. J’ai remarqué le même assemblage de traits que les autres lecteurs (découpage micro-attentionnel, inexorabilité, hyper-noirceur, tragique) et en même temps une deuxième série de traits qui défont ce premier montage. Donc, je l’ai lu avec de plus en plus de plaisir, en progressivement révisant mes premières impressions et comme je l’ai dit en introduction, je l’ai dévoré sur 2 jours.

J’ai été obligé au fur et mesure de ma lecture de réviser mes impressions, et enfin de voir que le texte était plus poétique et plus philosophique qu’il ne semblait. Cette expérience d’être désorienté, d’errer au hasard malgré sa conviction de suivre les “rails” inexorables d’un destin, et de devoir constamment réviser ses impressions, que le protagoniste vit aussi, est un thème central du livre et de sa forme.

Pour moi la clé du roman se situe près de la fin, au milieu du chapitre 90, quand le “protagoniste” Yorick comprend qu’il n’est pas au centre de cette histoire, que ce n’est pas une tragédie, qu’il n’y a pas de rails inflexibles, et qu’il n’y a pas d’inexorabilité.

Il regarde les clanneurs blottis les uns contre les autres, enlacés, enlaçant Thello, puis s’avise que ça n’a jamais été sa ballade. Il n’était pas destiné à se trouver ici. L’absence soudaine de rails invisibles lui donner le vertige. Des embranchements quantiques se déploient en tous sens, se décalant, fusionnant et se scindant comme les formes dans la mer électrique de l’ansible“.

Ce n’est pas une ballade tragique, mais un chant quantique.

A la lecture de ce passage je me suis dit que c’est très bien de mettre du “quantum” plein les yeux (par exemple Derek Künsken), mais ça relève d’un niveau au-dessus de nous faire sentir comment on peut se voir comme le héros dans un drame inexorable de sa propre fabrication sur fond quantique d’incertitudes et de bifurcations scotomisées.

Il y a un autre passage clé, bien avant, au milieu du livre (chapitre 50) qui peut passer inaperçu si on n’est pas sensible à ce jeu de construction/déconstruction qui parcourt le livre:

Si l’enfer existe, un royaume souterrain quantique que les histoires de leur mère ont invoqué sans le savoir, leurs deux spectres [Thello et Yorick] finiront par s’y rencontrer et par relancer le cycle“.

On a à la fois l’image un cycle infernal, à l’image du Retour Éternel du Même des Stoïciens, et celle d’un royaume souterrain quantique susceptible à bifurquer autrement, à l’image du Retour Éternel du Différent chez Nietzsche.

Oui, la violence et la noirceur de l’intrigue sont au premier plan, et ceci ne doit pas cacher un deuxième plan de worldbuilding bien mené, mais aussi je pense qu’il y a un troisième plan “quantique” derrière les deux autres, que je n’ai pas vu figurer dans les comptes rendus que j’ai vus.

Rich Larson appartient à cette minorité de gens qui sont “cérébralement pessimiste mais nerveusement optimiste” (pour citer le peintre Francis Bacon). On peut être convaincu intellectuellement de l’inévitabilité tragique tout en ressentant les embranchements d’autres choix possibles.

Je pense donc que l’écriture d’YMIR est plus réflexive que certains lecteurs semblent croire. Les livres ce sont des effets, mais les effets peuvent être modifiés au montage mental, qui accompagne et qui suit la lecture. Voir YMIR comme une auto-critique de la forme nouvelle produit des effets aussi. Un re-montage peut tout changer.

Ce qui m’importe, au-delà de mon enthousiasme pour le roman, c’est ce processus de lecture par essais et erreurs. Il faut se méfier de ses premières impressions et être prêt à les corriger avant, pendant, et après sa lecture. Il se trouve que c’est un des thèmes d’YMIR, à méditer.

Voir aussi: https://yuyine.be/review/book/ymir

CONCEPTUAL SEX and Tade Thompson’s JACKDAW: a cautionary tale

METHOD WRITING

Tade Thompson’s new book JACKDAW is a fictional grokumentary where the protagonist, who is also the narrator, called “Tade Thompson” is writing a novella based on the works of Francis Bacon. The resulting story shows just how far the fictional author is willing to go in the attempts to understand Bacon from the inside, as a method for writing the book.

The question of method, the search for a method adequate to the task, crops up at the very beginning. Our narrator, the in-story “Tade”, tells us about the tiny incident that triggered his authorial journey. His literary agent Tarquin calls him up about a proposition to write a book based on Francis Bacon’s work, he replies:

The scientific method dude or the Screaming Popes guy?’
‘What scientific method?’
‘Instauratio Magna? Lord Bacon? None of this rings a bell?’
‘I’m talking about the twentieth-century artist, Tade.’
‘So Screaming Popes guy.’

The irony is that in the name of scientific method the fictional “Tade”, who like the real-world author is not only a well-known author of body-horror themed SF (so “Screaming Popes”) but also a practising psychiatrist (so “scientific method”), is going to go all out Screaming Popes.

MONSTERS FROM THE ID

If FORBIDDEN PLANET had not been a science fictional film retelling of THE TEMPEST but an autofictive autogrokumentary meta-novella retelling of Francis Bacon’s autofictive autogrockumentary paintings we would get something like JACKDAW.

This may seem complicated but the story itself is a quick, easy, and fun read:

Having accepted the task of writing a novella, the fictional narrator/author (called “Tade”, “Thompson”, “Tade Thompson”, or “Double-Tee”) goes on a “weird psychosexual journey” and falls prey to monsters from the id (as FORBIDDEN PLANET called them). These monsters from the id (the intradiegetic, or in-story, author calls them hauntings, obessions, compulsions) spiral Tade’s life into chaos.

“Tade” falls victim to “compulsive masturbation”, a metaphor perhaps for compulsive writing (or painting) – unless from the id’s perspective it is the writing that is a metaphor. He looks at photos of Bacon’s studio and sees only a mess:

I looked for some order, some organising principle, but all these photographs told me was that this person used whatever was at hand to create whatever he wanted

Our narrator (a clinical psychiatrist) that Bacon acted out his id and drew on it to paint. He chooses to do the same, in order to write his novella, as if by a method of sympathetic magic:

“In order to write this, I must access and give full rein to my Id. Full subconscious release. Stab the superego to death”.

His experiment in voluntary disinhibition (a little like Arthur Rimbaud’s systematic derangement of the senses) leads him to visions and hallucinations, and speeds him on a “weird psychosexual journey”, from compulsory masturbation, through participant-observation in sado-masochistic sexual experiences, then paying a “rent boy” to beat him up and sodomise him.

CONCEPTUAL BUGGERY

I see JACKDAW as itself embodying an act of conceptual buggery. In the novel it is “Tade” the character who is paying to be sodomised by a dominatrix (before moving on to harder stuff with the rent boy) as part of his “research” into writing a novella based on Francis Bacon’s life and work. But as his dominatrix, “Danni the Destroyer”, remarks:

“This isn’t a binary state, Tade. Being either Dom or sub isn’t a switch”.

I think that Tade Thompson the real-world author is also doing the Dom and being the sub in an act of conceptual buggery with Francis Bacon.

This method of “conceptual buggery” was famously put forward by philosopher Gilles Deleuze, who wrote important studies of several key figures in the history of philosophy, before writing books expressing his own philosophy, some of them quite crazy-seeming (at least to some literal-minded eyes).

Deleuze tells us:

“I suppose the main way I coped with it at the time was to see the history of philosophy as a sort of buggery or (it comes to the same thing) immaculate conception. I saw myself as taking an author from behind and giving him a child that would be his own offspring, yet monstrous. It was really important for it to be his own child, because the author had to actually say all I had him saying. But the child had to be monstrous too, because it resulted from all sorts of shifting, slipping, dislocations, and hidden emissions that I really enjoyed”.

I would add that in Deleuze’s case, as in Tade Thompson’s, this process of buggery is in both directions and it is a conceptual or psychic process. In the case of the conceptual character “Tade Thompson” the process was literal for the major part of the book.

Note: by the expression “conceptual character” I am echoing (and probably misusing) one of Deleuze’s terms, and using it as a de-literalising device, to distinguish the author Tade Thompson from his fictional double. I am not using it to describe what “Tade Thompson” calls his “anthropologist” perspective, one of “participant-observation”. Danni the Destroyer quickly demolishes such defensive notions as being those of a “tourist”.

In order to avoid the dead-end of a superficial tourism the pathologising has to go deeper. But does the pathologising have to be literal?

THE ARTIST AS JACKDAW

There is no mention of birds or jackdaws in the novella, but we can find Francis Bacon using the word in a conversation reported by John Russell (in FRANCIS BACON, page 71):

“I think of myself as a kind of pulverizing machine into which everything I look at and feel is fed. I believe that I am different from the mixed-media jackdaws who use photographs etc. more or less literally or cut them up and rearrange them). The literalness of photographs so used — even if they are only fragments — will prevent the emergence of real images, because the literalness of the appearance has not been sufficiently digested and transformed”.

One could read this as Francis Bacon saying that he is not a “jackdaw”, but it is perhaps more interesting to say he is not like the “mixed-media jackdaws”. Francis Bacon is his own type of jackdaw. He does not exclude collecting, cutting up, rearranging materials, nor taking them literally at some time, only using them literally. He thinks these procedures do not go far enough.

Francis Bacon’s jackdaw is also a “pulverising machine”. The complete creative process is collect, cut up and rearrange, ingest, digest, transform. Literalism is not enough. It does not suffice to free us from the cliché.

Tade Thompson is also a jackdaw/pulverising machine. This is my answer to the question of who is the “jackdaw” referred to in the title of Tade Thompson’s new book JACKDAW? The answer is Francis Bacon, “Tade Thompson” the protagonist (a very literal-minded writer), and Tade Thompson the author.

CONCLUSION

I do not wish to spoil the ending except to say that in appearance the Lord Bacon’s scientific method wins over the in-story author’s attempt to imitate the artist Francis Bacon’s method. Both are “empirical” in one sense of the word, so it may be that scientific empiricism wins over existential empiricism, and that this is the contribution of the real-world author to the meta-structuring of the story. In that case it would be the scientific equivalent of “it was all a dream”. I prefer to see the ending as showing that pathology is not a foolproof path to creation, even when it is taken metaphorically, and that happier models (cf. the in-story author’s collaboration with his son on an illustrated children’s book). Some have criticised this ending but it is not the true ending.

Part of what the novella shows is that the phenomena that filled Francis Bacon’s life and work can look very different to people with different experiences – coming from a different part of the world (or another subculture) where violence is more widespread and more horrific, “deviant” sexual practices are banalised, vices (such as gambling) are transformed by more modern technology, communion with phantom, and spirits is less psychiatrised.

The real end, the “final end”, of Tade Thompson’s discourse on method, is not the scientific explanation nor the family-life flourishing (with the ambivalently named son “Trap”) but “Tade’s” failed attempt to contact his dead father, leading to a non-Oedipal “peace”.

The final word I leave to Deleuze (DIALOGUES, page 119):

“My ideal, when I write about an author, would be to write nothing that could cause him sadness, or if he is
dead, that might make him weep in his grave. Think of the author you are writing about. Think of him so hard that he can no longer be an object, and equally so that you cannot identify with him. Avoid the double shame of the scholar and the familiar. Give back to an author a little of the joy, the energy, the life of love and politics that he knew how to give and invent. So many dead writers must have wept over what has been written about them. I hope that Kafka was happy at the book that we did on him…”

Tade Thompson wrote JACKDAW not to identify with Francis Bacon like a histrionic artist and not to study him like an academic psychiatrist. He did it to think of him so intensely that he could not take him as a model or an object.

The ending leaves us feeling, as Camus did for Sisyphus, that we must imagine Francis Bacon happy.